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Des jeunes protestants s’intallent comme agriculteurs

Écrit le 14/11/2009, dans Chroniques Camarade / Lézères

A Camarade, des jeunes protestants s’installent comme agriculteurs. Le renouveau de cette petite paroisse rurale passera par eux, ou pourrait ne pas se faire.

Pierre est paysan depuis 2007, auparavant il était boucher-charcutier. Après bien des réflexions, il a fait le pas de s’installer comme jeune agriculteur et il vit avec Carine et leur fille Julia. Il travaille seul sur une exploitation de 50 hectares il élève des chevaux (15) et des brebis (260 mères). Pour lui, le cadre et l’exposition de l’exploitation agricole qu’il a achetée, située sur les hauteurs du village de Camarade, aux Gauziats et au Cap de la Goutte ont été  des facteurs déterminants de son installation. La mécanisation possible des terres a été un autre atout. A cela s’ajoutent des origines familiales paysannes qui ont favorisé son amour pour la terre. Pierre est un pragmatique mais il a en lui une grande part de rêve : les escapades en montagne au contact des bergers, dans les estives ; les manifestations où il peut faire évoluer ses chevaux à la Féria d’Arles ou dans des rencontres traditionnelles (« Autrefois le Couserans », à Saint Girons, ou la Foire Agricole du Mas d’Azil). Tout cela a pour lui un goût de liberté.

Cette liberté, justement, ne lui semble pas incompatible avec la Religion. Pierre s’est lié d’amitié avec le pasteur Bernard Bordes, et en cela réside essentiellement, pour lui, son attachement à la paroisse protestante. Son contact initial s’était fait grâce à un jeune pasteur stagiaire d’origine africaine : Stéphane Kouyo. Quand on l’interroge sur sa foi, Pierre se dit en questionnement quant à la pratique et plus largement quant à la spiritualité chrétiennes. A titre d’exemple, ce qui le touche énormément, c’est la prise en compte de la personnalité de celui ou celle que l’on « accompagne » dans les enterrements protestants. Cela le séduit beaucoup plus que les rites. Pour lui, la foi, c’est une affaire de cœur.

Nathalie est agricultrice depuis 2006, elle possède un élevage de chevaux (20), de pure race, des Appaloosa (chevaux américains) Ce sont des chevaux de course mais habitués à évoluer au milieu du bétail. En France on les élève pour l’équitation Western et les activités de loisirs. Elle possède également un élevage de chiens, de race, des Bosserons et des Yorkshires (8).

Pour elle, le plus difficile c’est d’intégrer en tant que femme, le milieu agricole qui est essentiellement masculin même si les femmes sont très présentes dans l’élevage de chevaux. Selon elle, aujourd’hui, l’agriculture n’est rentable qu’au travers de sa diversité !

De famille protestante avec un grand-mère très engagée, elle n’a pas vécu, pour l’instant, un engagement spirituel. Sans que l’on sache pourquoi, son fils Enzo, qui a 7 ans, aime aller au culte (le temple de Lézères est à côté de sa maison) il prie et il va commencer son école biblique. De lui viendra peut-être un engagement plus précis pour sa maman…

David et Christophe : deux frères au physique solide et trapu. Ils jouaient il y a 3 ans encore à l’équipe de rugby du Mas d’Azil. Mais ils ont de moins en moins de temps pour les loisirs. C’est que le métier d’agriculteur/éleveur demande beaucoup de disponibilité. 90 vaches et 172 brebis à élever et les cultures qui vont avec, ce n’est pas rien. Christophe, dans le métier aux côtés de son père depuis une dizaine d’années, s’exprime calmement. « Une vache qui met bas pendant la nuit exige une surveillance, voire la venue du vétérinaire et voilà votre nuit « grillée ». Et cela se reproduit plusieurs fois par an… » Mais le lendemain les animaux et les cultures ont besoin d’un agriculteur au top de sa forme… Pas question de prétexter une nuit blanche pour négliger le travail quotidien. Alors, certes, les agriculteurs bénéficient d’une certaine souplesse dans leur emploi du temps. On les voit parfois au bord de la route, au pied de leur tracteur, en train de discuter…

Ils peuvent relativement moduler leur emploi du temps. Mais qu’on ne s’y trompe pas! Les contraintes actuelles : emprunts à rembourser, charges administratives, de plus en plus lourdes… Ne leur laissent pas droit à l’erreur. Nous posons cette question un tantinet provocatrice :  » Parfois les gens disent aux agriculteurs : ce sont nos impôts, via les subventions, qui vous font vivre! » Christophe sourit et répond avec une calme conviction : « On préfèrerait être payé par la vente de nos produits mais comment comprendre que, par exemple, le cours de la viande n’ait pas augmenté depuis trente ans, alors que son coût de production a triplé… Idem pour les céréales ou le lait? De plus, les gens ne savent pas que le paysan doit parfois rembourser de manière imprévue une subvention en cas de suspicion d’anomalie administrative…  »

David, le jeune frère, écoute et ne dit pas grand-chose. En effet, bien qu’habitué à ce travail en donnant un coup de main fréquent, il est encore étudiant en école d’agriculture. Il vient de prendre une décision importante. Employé dans une société de travaux publics, bien rémunéré et avec des responsabilités, il a néanmoins décidé de cesser son activité. Trop de déplacements, un métier éloigné de sa jeune famille (il a deux enfants)… Il a préféré tenter l’aventure, malgré un contexte économique peu favorable, de s’installer, lui aussi comme jeune agriculteur. Il reprend la suite de son père et formera avec son frère un GAEC (Groupement agricole en commun ) .

Ces deux frères qui s’entendent bien et ne négligent pas leur peine, aidés par leurs parents et même leur grand-mère, sont une chance pour le petit hameau protestant de Lézères. Un peu de jeunesse quoi! Pour le moment, ils ne sont pas des piliers de temple. Le protestantisme est pour eux une histoire de tradition familiale liée à une éducation religieuse reçue durant l’enfance. Ils se montrent prêts à rendre des services à leur paroisse et sont plus que sympathisants. Exemple significatif : ils ont tenu à ce que leurs enfants soient baptisés au Temple.

Le pasteur aimerait qu’ils aillent plus loin, qu’ils vivent une conversion à Jésus-Christ, qu’ils puissent devenir un jour conseillers presbytéraux pour prendre la relève d’un conseil âgé. Mais soyons patients. L’agriculture nous montre que les choses de l’âme, comme celles de la nature ont besoin de temps et de maturation.
De gauche à droite : Christophe Delmas, Nathalie Laborde, David Delmas.

Conclusion des trois portraits :

Respecter le temps et la liberté de chacun, oui, certes mais un petit coup de pouce ne fait pas de mal… le groupe de prière inter-paroissial qui se réunit chaque 15 jours a décidé de prier pour Pierre, Nathalie, David et Christophe mais aussi pour Jean-Christophe, un autre jeune agriculteur du Mas d’Azil, pour Nicolas, un ami et pour tous les jeunes des paroisses de l’Arize. Gagner ces jeunes à la cause de l’Evangile. Demander le Réveil, voilà qui bouleverserait la physionomie non seulement des communautés chrétiennes mais des villages eux mêmes, pour le Salut et pour le bonheur de l’Ariège. Pourquoi-pas ?

Nathalie Thibat/Sauer
(pour Nuance n° 200)